Le P

Pour lutter contre la crise, nous dit un membre du comité de rédaction, il faut ré-honorer le pet.

Prêts à tout, et de même interloqués, nous demandons : le pé ?

Non, le pet. Et il joignit le pet à la parole. C’était sonore, c’était, comment dire…

Sur le moment écœurés nous passâmes, et un avisé relança la discussion : séquestrons Jean-François C., et demandons une rançon invraisemblable. Le tout sera reversé à la comptabilité publique.

Nous songeâmes, rêvâmes, écartâmes : trop compliqué.

J’y reviens : le pet, tu as une idée géniale ! Le pet de travers ?

Le pet tout court, je refais si vous voulez.

C’est bon, on le croit sur parole.

Mais il y avait là de grandes possibilités. Je me vois arriver chez la marquise avec un immense bouquet de fleurs. Je lui dis : pour vous ! Et fais le pet sus nommé. Quelle élégance, quelle audace !

Au rebours de nos pudeurs médiocres, l’énergie qu’il faut pour déclencher le pet enfoui, se moquer de l’opinion, changer les paramètres de conformité; et se donner de l’air. Oui, c’était une trouvaille.

Nous décidons d’expérimenter, avec l’ardeur des anciens, groupés pour des séances de péture automatique. Beaucoup de p, dans tous les sens, et pas moyen d’ouvrir la fenêtre. Mais nous tenions quelque chose de programmatique.

On fera un colloque, dit l’un ? Des discours, dit l’autre. Des statistiques. Et encore : des magasins, des usines. Cette fois les Allemands seront battus. Ce n’est pas eux qui sauraient exporter leurs pets. Nous, nous réussirons. Nous avons ça dans le sang.

Je viens d’avoir une idée désespérante, dit l’un. Et si les Chinois nous copiaient ? Ils sont nombreux, les Chinois.

Oui, mais les fayots, Est-ce qu’ils ont les fayots, dit l’autre ? Sachons protéger nos recettes, ayons nos secrets industriels.

C’est ça les comités de rédaction, on en a des idées.

Le Labo.

Figure 0, Jacques Isoard